L’une des voix les plus originales du cinéma canadien, Matthew Rankin fait ses classes à Winnipeg avant de s’installer à Montréal. Triturant les codes du cinéma des premiers temps, couplant diverses méthodes du cinéma d’animation, il crée des œuvres inclassables, des films expérimentaux « accessibles » et fascinés par l’Histoire. Après les remarqués Mynarski chute mortelle et Tesla : Lumière mondiale (sélectionné à la Semaine de la critique à Cannes en 2017), il réalise un premier long métrage,The Twentieth Century, où il est question d’un triangle amoureux entre un jeune William Lyon Mackenzie King, des années avant qu’il devienne le 10e Premier ministre du Canada, une infirmière québécoise et une soldate britannique. Le film vient d’ailleurs tout juste de remporter le prix FIPRESCI de la section Forum à la 70e Berlinale.
À la lumière de tout ceci, nous étions bien évidemment curieux de connaître ses goûts cinéphiles.
Ton premier souvenir de cinéma?
A Night at the Opera (Sam Wood et Edmund Goulding, 1935) avec les frères Marx était certainement l’expérience cinématographique la plus profonde de mon plus jeune âge. Je l’ai regardé à nouveau il y a quelques années et j’ai dû constater que je connaissais encore toutes les répliques. Mais je pense que le premier film que j’ai écouté en salle était Rabid (David Cronenberg, 1977).
Une actrice ou un acteur avec qui tu aimerais travailler?
Non-vivant : Joan Crawford, Vincent Price, Sam Jaffe, Gabriel Gascon.
Vivant : Pascale Drevillon, Maryam Mohamadamini, Aida Mohamadkhani, Alfred Molina.
Un classique du cinéma que tu aimerais refaire?
En 2027, j’ai déjà l’intention concrète de réaliser un remake image-par-image, kilomètre-par-kilomètre pour commémorer les cent ans de München-Berlin Wanderung (1927), ou De Munich à Berlin à pied de Oskar Fischinger.
Nomme-nous :
a. Un documentaire
Picture of Light (Peter Mettler, 1994) demeure le plus grand documentaire tourné dans ma province natale du Manitoba. Ça pis Paul Tomkowicz: Street-Railyway Switchman (Roman Kroitor, 1953).
b. Un film québécois
Le voleur vit en enfer (1984) de Robert Morin et Lorraine Dufour est sûrement le film québécois que j’écoute le plus souvent. Ça pis JMV (2015), le film-hommage qu’Annie St-Pierre avait réalisé pour Jean-Marc Vallée au moment de sa béatification par le gouverneur-général. Mon film québécois préféré n’existe pas encore mais j’ai la conviction qu’il sera réalisé par Marie Brassard.
c. Un film que tu veux voir ou revoir sur grand écran
Svengali (Archie Mayo, 1931) et Tito (Grace Glowicki, 2019).
d. Un film que tu aimerais faire découvrir au public
Ville Marie (Alex Larose, 2010) est un véritable chef-d’oeuvre qui est criminellement méconnu dans la culture cinématographique du Québec. Je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas des cours à l’université consacrés à cette oeuvre sublime et sacrée.
Même affaire pour La maison est noire (Farough Farrokhzad, 1962). Le cinéma iranien, tel qu’on le connaît, n’existerait tout simplement pas sans cet extraordinaire court-métrage. Farrokhzad est un des grands maîtres et je dois essayer de mieux obéir à ses idées dans mon travail.
e. Un plaisir coupable
Incubus (Leslie Stevens, 1966). Mettant en vedette William Shatner, Incubus demeure le seul et unique long-métrage tourné entièrement en Espéranto, la langue artificielle de la paix mondiale. Ça pis Santa Problems (2013) du cinéaste d’animation britannique Peter Millard. Ça ne dure que 29 secondes et c’est mon film de Noël préféré.